Myriam Tangi, peintre, photographe et poétesse française, était en Israël quand le Hamas a lancé son attaque sanglante le 7 octobre. Dans un long témoignage, elle livre avec émotion les premiers instants de la guerre, où l’insouciance règne en maître, alors que les résidents du kibboutz Shluhot (nord) où elle se trouve célèbrent la fête de Simha Torah. Mais très vite, ils prennent conscience du fait qu’Israël a basculé dans l’horreur, en quelques heures seulement. L’un des pires pogroms depuis 1948 vient d’avoir lieu dans le sud du pays, faisant 1200 morts et des milliers de blessés. Myriam Tangi s’intéresse également au sort des enfants, qui n’ont pas été épargnés par les massacres et dont beaucoup demeurent aujourd’hui orphelins.
"Je suis arrivée au kibboutz quelques jours avant Simha Torah. Le matin du 7 octobre, je me rends dans l’immense synagogue quand un responsable du kibboutz déclare : ‘Yech milkhama ba darom’ (il y a la guerre dans le sud). Je suis happée par cette incompréhensible annonce et ce qu’elle recouvre concrètement…", raconte Myriam.
"Il est tôt, environ 9h30 du matin. Nous commençons les hakafot, les sept danses et chants requis autour de la bima, avec tous les sefarim ; les rouleaux saints sont de sortie pour ce jour grandiose, acmé de plusieurs semaines de contritions et réjouissances alternées. Grands et petits sont emportés dans la ronde spirituelle avec cette joie profonde, pétrie de crainte et d’espoir, d’amour et d’aspiration, d’élévation vers le Créateur de l’univers. Je me tourne vers Elior, elle ne sait que dire, comme pour la plupart ici, les téléphones sont éteints car c’est shabbat", poursuit-elle.
Vers la fin de matinée, les habitants du kibboutz comprennent peu à peu que la situation est inhabituelle et que la mobilisation des soldats est massive, Myriam assiste alors au départ de son gendre Eran, appelé comme réserviste pour défendre le pays.
"Lors du déjeuner organisé dans la salle à manger commune, alors que nous ignorons encore l’amplitude du désastre dans le sud, une jeune fille de 12 ans prend la parole et nous demande de prier pour nos soldats et pour les gens dans le sud. Aussitôt après, nous rentrons à la maison et sous mes yeux sidérés, je vois Eran revêtir son uniforme. Dans sa précipitation, nous constatons qu’il ne dit pas au revoir, tout son être est déjà tourné vers sa mission. Des maris, frères, fils, jeunes soldats ou réservistes se dirigent vers leur unité respective délaissant femmes, enfants et grands-parents", se souvient Myriam Tangi.
Dans un long récit photos, Myriam Tangi capture les moments de joie, où les enfants retrouvent leurs pères soldats lors des permissions, lorsqu’ils échangent avec eux au téléphone ou encore quand ils viennent les chercher à l’école ou les emmènent au parc, toujours munis de leurs armes. Un contraste saisissant qui montre la réalité quotidienne des enfants d’Israël.
"Les massacres des enfants, des bébés, jusqu’à leur enlèvement, a produit comme un vide, une béance. J'ai mis plus de six semaines à prendre la caméra. Lorsque j’ai commencé à photographier, naturellement deux aspects ont été réunis : la présence soudaine et permanente des fusils et pistolets qui jusqu’à la veille du 7 octobre n’était que relative, accolée à celle des enfants qui très tôt, de par l’absence de leur père parti subitement au front, réalisent que quelque chose a changé, comme me le confirment leurs éducatrices en maternelle qui ne s’étonnent pas d’entendre les enfants parler de la guerre", explique Myriam Tangi.
Un début de résilience grâce à la photographie
Le 7 octobre, le Hezbollah attaque en parallèle toute la région nord d'Israël, lançant des dizaines de roquettes.
"L’omniprésence soudaine des armes dans ce kibboutz, géographiquement éloigné du front principal, soulignait ce qui avait manqué dans les kibboutim du sud : la sécurité et la protection. Telle fut ma révélation", souligne Myriam Tangi.
Au travers de ses clichés, Myriam Tangi renverse la tendance : les armes sont là pour protéger les enfants et non les tuer. Contrairement aux affreuses images relayées par les terroristes du Hamas arborant fièrement leurs atrocités, les photos de Myriam montrent une réalité beaucoup plus joyeuse que celle des kibboutzim du sud.
"Si un enfant est pris dans les bras c’est pour mieux l’embrasser et lui apporter de la tendresse, et non pour l’enlever. Les enfants représentent la fragilité vis-à-vis des adultes qui sont supposés les protéger, qui ont failli et qui continuent de faillir partout dans le monde. Comme le précise l’ONG Visions du monde, 250 millions d’enfants vivent dans un pays en guerre", explique Myriam Tangi.
Les petits Kfir et Ariel Bibas (un an et demi et 5 ans) sont toujours aux mains du Hamas, ce sont les seuls enfants qui figurent encore parmi la longue liste des otages retenus à Gaza depuis 9 mois.
Pour consulter le site de Myriam Tangi : https://myriamtangi.com/
Caroline Haïat
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