top of page

Israël : une startup développe une nouvelle manière de produire l’aluminium

  • Photo du rédacteur: Caroline Haïat
    Caroline Haïat
  • il y a 5 jours
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Alumentry
Alumentry

Dans l’univers foisonnant de la fabrication industrielle, les promesses de l’impression 3D n’ont pas toujours tenu leurs engagements. Beaucoup y ont vu une révolution à portée de main ; peu ont réussi à faire basculer les chaînes de production. Trop souvent, la technologie se heurte à des verrous matériels, des limites de précision ou des contraintes économiques rédhibitoires. Dans ce contexte parfois désenchanté, la startup israélienne Alumentry, fondée en 2018 par Haim Baranek, Uri et Itzkik Pomerantz est une vraie révolution. L’entreprise s’est attaquée à l’un des défis les plus coriaces : produire des pièces en aluminium de haute qualité de manière simple, précise, rapide et bon marché avec pour ambition de changer la manière dont le monde fabrique l’aluminium. Découverte.


La fabrication de pièces en aluminium est aujourd’hui dominée par l’usinage CNC. Ce procédé, hérité de la seconde moitié du XXe siècle, consiste à retirer de la matière à partir d’un bloc massif, en sculptant la pièce désirée avec une extrême précision. Fiable et éprouvé, il est pourtant lent, énergivore et surtout extrêmement coûteux. Il génère également énormément de déchets : parfois plus de 80 % du matériau initial est simplement éliminé.

Alumentry
Alumentry

"On a créé Alumentry, avec un manifeste en quatre points. Tout d’abord, recevoir directement une pièce finale prête à l’emploi, à partir d’un fichier numérique, de manière totalement automatisée. Il fallait ensuite que cette pièce soit aussi précise que les standards de l’industrie et qu’elle soit fabriquée dans le même matériau que celui utilisé aujourd’hui, sans forcer le marché à adopter un nouveau type d’aluminium. Enfin, nous souhaitions que son coût soit inférieur aux méthodes classiques. On part d'une feuille d’aluminium et, grâce à une combinaison spéciale de physique, de chimie et de lasers, nous fabriquons une pièce en aluminium précise sans compromis sur les propriétés. À la fin, on obtient un rendu très précis", explique Uri Pomerantz, l’un des cofondateurs d’Alumentry, ingénieur de formation, qui a lui-même travaillé dans l’industrie des machines-outils avant de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale.


Depuis plus de dix ans, l’industrie rêve d’une alternative additive : imprimer, plutôt que tailler. Mais l’impression 3D, lorsqu’il s’agit d’aluminium, se heurte à des limites bien connues. Les pièces imprimées sont rarement exploitables en l’état. Leur finition est médiocre, leur résistance inférieure, et surtout, les alliages utilisés sont très éloignés de ceux que les industriels emploient réellement. "On ne peut pas imprimer les alliages d’aluminium les plus résistants, ceux qu’on utilise dans l’aéronautique, les vélos ou les machines-outils par exemple", affirme Uri. Résultat : l’usinage reste la norme, même dans les secteurs les plus innovants.

Uri Pomerantz
Uri Pomerantz

Une passion familiale


Pour comprendre l’origine d’Alumentry, il faut remonter aux années 1980. À cette époque, Itzik, le père d’Uri dirige une entreprise pionnière de l’impression 3D en Israël. Dans un coin de l’usine, Uri, six ans, observe, fasciné, les premières imprimantes tridimensionnelles transformer des modèles numériques en objets tangibles. "Mon père pensait qu’on devait pouvoir fabriquer des pièces directement depuis un fichier numérique, sans passer par des machines ou du travail manuel. Il avait cette vision très claire", se souvient Uri. L’entreprise fermera ses portes, laminée par une technologie encore trop jeune et un marché peu mûr. Mais la vision, elle, restera.

Itzik Pomerantz
Itzik Pomerantz

Ce souvenir d’enfance deviendra le ferment d’une ambition nouvelle. En 2017, le fils, aujourd’hui adulte, réunit deux autres experts – l’un en chimie des matériaux, l’autre en production industrielle – pour concevoir une technologie radicalement différente. L’objectif n’est pas de perfectionner une technologie existante, mais de créer, ex nihilo, un procédé de fabrication pensé spécifiquement pour les alliages d’aluminium.


"Nous avons voulu repartir de zéro. Créer une technologie qui permette de produire des pièces finales, prêtes à l’emploi, avec une précision équivalente au CNC, mais avec la souplesse de l’impression 3D. Et surtout, en utilisant les vrais alliages industriels, pas des métaux exotiques ou expérimentaux", affirme Haim.

Haim Baranek
Haim Baranek

Une technique inédite


Le cœur de cette technologie repose sur un choix inattendu : la feuille d’aluminium. Celle que l’on trouve dans nos cuisines, mais repensée chimiquement. Alumentry a mis au point un procédé breveté qui permet de transformer cette matière banale en un support d’une extrême précision. Grâce à une série de traitements chimiques complexes, la feuille est modifiée pour que ses composants se séparent en couches successives. Cela permet de déposer l’aluminium couche après couche, avec un contrôle si fin que même les micro-détails d’une pièce – comme les filetages ou les alésages – peuvent être directement intégrés. Les résultats sont saisissants.


"Cela nous permet une précision exceptionnelle, jusqu’à quelques microns. Et tout cela, avec un coût réduit jusqu’à 90 % par rapport à l’usinage classique. On économise non seulement de la matière, mais aussi du temps, de l’énergie, de la main-d’œuvre. Ce marché représente un potentiel de 150 milliards de dollars — et notre technologie permet de réduire les coûts de production de 90 %", détaille Uri. 


Contrairement à l’impression 3D métallique traditionnelle, qui produit des objets bruts qu’il faut ensuite rectifier, polir, renforcer, les pièces issues du procédé Alumentry sortent directement prêtes à l’usage. Plus besoin de post-traitement lourd ni de finitions manuelles.


Depuis la mise au point du premier prototype de laboratoire, les choses se sont accélérées et la levée de fonds pour le prototype industriel a commencé.


"Nous pensions vendre la technologie. Mais les industriels nous demandent directement les pièces. Ils veulent tester, manipuler, voir la différence. Le prototype tourne aujourd’hui à plein régime pour fournir ces premières pièces. Dans le même temps, une levée de fonds est en cours pour financer la prochaine étape : le développement d’une version commerciale de la machine, capable de produire à plus grande échelle. Les enjeux sont considérables, car les marchés visés – aéronautique, défense, automobile, électronique, robotique, et bien d’autres – sont tous demandeurs de solutions de fabrication plus agiles, moins chères et plus durables", déclare Haim.


Alumentry
Alumentry

Et pourtant, convaincre les investisseurs n’est pas une mince affaire. Le secteur a été échaudé par les promesses parfois déçues de l’impression 3D. "Les gens qui manipulent les pièces, dans les usines, comprennent tout de suite ce qu’on propose. Mais les investisseurs sont souvent restés sur une impression d’échec. Ils ont vu des startups promettre une révolution, et livrer des jouets ou des gadgets", déplore Uri. 

Alumentary vise le cœur dur de l’industrie. Mais pour cela, elle doit parler à deux publics très différents : les techniciens, qui voient le potentiel, et les financiers, qui veulent des preuves.


Dans un monde où l’industrie cherche à la fois la performance, la réactivité et la sobriété, la promesse d’Alumentry semble presque trop belle pour être vraie. Mais c’est justement parce qu’elle repose sur une vision patiemment construite, techniquement maîtrisée et intimement liée à l’histoire de ses fondateurs qu’elle pourrait bien transformer en profondeur la manière dont nous produisons les objets de demain.


Alumentry ne promet pas une révolution visible à l’œil nu. Elle propose une évolution décisive. Un changement dans la matière même dont est faite l’industrie.


Caroline Haïat


Commentaires


bottom of page