La culture bédouine sous un angle inédit. La Bibliothèque nationale de Jérusalem a consacré la journée du 20 novembre prochain au patrimoine bédouin (13h30 à 21h30). Intitulé "Riwak" (extérieur de la tente bédouine), cet événement multiculturel hors du commun combine musique, danse, théâtre et étude. Il offre au public l’opportunité de découvrir en profondeur les nombreuses facettes et la richesse de la culture bédouine. Trois discussions autour des collections littéraires et photographiques bédouines auront lieu dans l’après-midi en présence de professeurs et de chercheurs; puis, une représentation artistique qui exprime le lien de l'homme avec la terre et le désert, du théâtre arabo-juif Alyamama et de la troupe de l’Académie de Musique et de Danse de Jérusalem clôturera la soirée. "L'idée d'organiser l'événement à la Bibliothèque nationale est née de la prise de conscience qu'une bibliothèque représente bien plus que cela", déclare Kaid Abu Latif, directeur artistique du théâtre Alyamama.
"Riwak" a été mis en place à l'occasion de la réception à la Bibliothèque de Jérusalem des collections de Clinton Bailey, d’Orna Goren, de Haim Blank et de la collection Lost Paradise, qui documentent la société et la culture bédouines du Néguev, du Sinaï et de Jordanie. Parmi les collections, des chansons de la tradition bédouine qui accompagnent le cycle de la vie, de la naissance à la mort ont également été minutieusement sélectionnées par le groupe de musique Shargi. À l'aide d'instruments de musique traditionnels, ils joueront les sons du désert à la Bibliothèque nationale et accompagneront le spectacle de danse et de théâtre, qui aura lieu à 20h.
Des collections authentiques sur la vie bédouine
"Il nous a paru très important d'inviter le public à des discussions avec des chercheurs, des professeurs et des écrivains autour de la question de la culture bédouine et de ses changements de génération en génération, afin de suivre son évolution. La collection de Clinton Bailey est la première que nous avons reçue. Pendant 50 ans, Clinton s’est promené dans le Néguev et dans le Sinaï à la rencontre des Bédouins et a documenté les chants bédouins traditionnels en Arabe. Les Bédouins d’aujourd’hui ne comprennent pas cette langue, c’est incroyable de voir à quel point le dialecte a subi des modifications à travers les âges", a déclaré Samuel Thrope, conservateur de la collection Islam et Moyen-Orient à la Bibliothèque nationale de Jérusalem.
La journée débutera par une conversation entre Clinton Bailey, Samuel Thrope et Aisha Zeadna puis sera suivie d’une session sur l’étude des dialectes bédouins, entre autres par le Professeur Uri Shahmon et le Professeur émérite Roni Henkin. Enfin, la dernière session abordera la documentation et la préservation de la culture : passé et présent à travers la poésie; avec Marvat Abu Dova Farih, le Dr Sami Abu Farih et l’écrivain Saleh Alziadna.
"C’est un concept véritablement nouveau et très exaltant que nous proposons. Nous espérons que cela va encourager les participants à étudier davantage la culture bédouine qui est extrêmement riche et ancrée dans le présent; on constate que de nombreux enseignements sont encore très actuels de nos jours", explique Samuel Thrope.
"La Bibliothèque, un lieu qui rassemble l'histoire, l'identité et la mémoire culturelles"
Selon Kaid Abu Latif, "agriculteur culturel" bédouin, à l’origine de nombreux projets en faveur de la coexistence dans le Néguev, la Bibliothèque "est un centre de rencontre interculturelle et un réservoir de connaissances".
"La connexion entre le contenu académique et la pratique artistique permet d'élargir la vision de la culture bédouine d'une information textuelle à une expérience artistique et sensorielle. Nous voulions faire en sorte que l'apprentissage de la culture bédouine soit ‘vivant’, afin que le public puisse non seulement entendre mais aussi ressentir la culture - ce qui est très difficile à réaliser en étudiant seulement les textes. Nous avons joué sur l'équilibre entre l'universitaire et l'expérientiel : la première partie de l'événement est une journée d'étude qui permet une introduction approfondie aux questions fondamentales de la culture bédouine, telles que les traditions tribales, la poésie et une vision du monde liée à la nature et au désert. La seconde partie, en soirée, offre une expérience émotionnelle, à travers la danse, la musique et la prose", dit-il.
La Bibliothèque nationale se veut non seulement un pont entre les différentes cultures d'Israël, mais elle sert aussi de scène pour les mettre en avant, devant un public venu des quatre coins du pays. Cette journée a pour objectif de révéler aux visiteurs des aspects de la culture bédouine auxquels ils n’ont pas accès dans la vie de tous les jours.
"En général, les Israéliens associent les Bédouins aux tentes et aux chameaux, mais en réalité, ils ne savent presque rien du mode de vie et des traditions de cette communauté", précise Samuel Thrope.
"Des événements comme celui-ci sont conçus pour faire tomber les clichés et les barrières, et prouver que la culture bédouine fait partie intégrante de la culture israélienne et qu’elle est très influente", a déclaré Kaid Abu Latif.
Promouvoir la tolérance et la coexistence
Cet événement est aussi porteur d’espoir et rempli d’attentes pour le futur. Dans un contexte de guerre, où le 7 octobre a profondément ébranlé la société israélienne, les événements culturels sont l’occasion de rapprocher les peuples et d’établir des rencontres fructueuses afin de promouvoir l’entente et surtout, la connaissance d’autrui.
"Nous souhaitons organiser des journées similaires afin de créer un continuum d’exposition continue au patrimoine bédouin, à travers des événements qui transmettent l'histoire bédouine. Ainsi, la jeune génération se connectera à son héritage et acquerra un sentiment de fierté et d'appartenance. Parallèlement, le public recevra des outils pour comprendre les valeurs de la communauté, ce qui peut contribuer à renforcer les liens entre les différents secteurs en Israël. De tels événements ouvrent la porte à des initiatives conjointes entre différentes institutions culturelles et universitaires, dont des festivals, des collaborations et des programmes artistiques communs qui permettent le dialogue. Grâce à une compréhension plus approfondie de la culture bédouine, il est possible de promouvoir la tolérance. Plus les gens sont exposés à des événements de ce genre, plus ils seront enclins à oublier les préjugés et à instaurer une confiance mutuelle", a poursuivi Kaid Abu Latif.
Le 18 décembre, lors de la Journée mondiale de la langue arabe, un événement musical sera organisé à la Bibliothèque nationale de Jérusalem.
"La collaboration que nous avons établie avec les différents organismes dont le centre communautaire de Rahat et le théâtre Alyamama est très productive et prometteuse. Nous avons pour objectif de multiplier les initiatives à l’avenir", a conclu Samuel Thrope.
Cette année, la Bibliothèque célèbre les 100 ans de la collection Islam et Moyen-Orient. A cette occasion, des événements, ateliers et conférences seront proposés autour des collections jusqu'en octobre 2025.
Pour s’inscrire à Riwak le 20 novembre : https://www.nli.org.il/en/visit/events/riwaq
Caroline Haïat
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