Rejoindre la terre de leurs ancêtres : Israël. Tel est le souhait le plus cher des Bnei Menashe, ces Juifs indiens qui prétendent descendre de l’une des dix tribus perdues d’Israël, qui furent envoyées en exil par l’Empire assyrien il y a plus de 27 siècles.
Leurs ancêtres ont erré à travers l’Asie centrale et l’Extrême-Orient pendant des siècles, avant de s’installer dans ce qui est aujourd’hui le nord-est de l’Inde, le long de la frontière avec la Birmanie et le Bangladesh. L’association Shavei, basée en Israël, les aide lors de la longue et difficile procédure d’alyah, de la constitution du dossier à leur intégration dans la société israélienne. Laura Ben-David, photographe et Directrice du marketing et des nouveaux médias chez Shavei, nous a accordé une interview sur l’incroyable parcours des Bnei Menashe de leurs derniers instants en Inde à leur arrivée dans l’Etat hébreu.
"C’est très émouvant de les accompagner dans ce processus qui change radicalement leur vie du tout au tout. Nous travaillons avec plusieurs communautés juives reculées dans le monde dont les Bnei Menashe. En Inde, nous avons des équipes qui les aident à faire l’alyah car ils ont énormément de problèmes de bureaucratie pour faire reconnaître leur judéité. J’ai personnellement rencontré et photographié les Bnei Menashe en Inde et à leur arrivée en Israël, j’ai notamment eu des affinités avec la plupart d’entre eux, c’est une communauté formidable à la fois très conservatrice mais aussi très ouverte sur le monde", a déclaré Laura Ben David.
Tout au long de leur séjour en exil, les Bnei Menashe ont continué à pratiquer le judaïsme comme leurs ancêtres, notamment en observant le shabbat, la cacherout, en célébrant les fêtes et en suivant les lois de la pureté familiale. Ils ont toujours nourri le rêve de retourner un jour sur la terre de leurs ancêtres, la Terre d’Israël.
Aujourd’hui, il reste à peu près 10.000 Bnei Menashe dans le monde dont 5.000 sont toujours bloqués en Inde dans les États de Manipur et de Mizoram; ils attendent que leur demande d’alyah soit acceptée par l’Etat d’Israël. En 2005, un grand rabbin d’Israël a confirmé leur identité de "tribu perdue" ayant des liens historiques avec le judaïsme, mais les chercheurs n’ont pas trouvé suffisamment de preuves pour étayer cette affirmation. Les Juifs Bnei Menashe ont commencé à immigrer en Israël dans les années 1990.
"Leur judéité remonte à des années, ils n'ont pas les documents pour prouver qu'ils sont Juifs, donc c’est extrêmement compliqué pour eux de se débrouiller seuls. C’est à ce moment-là que l’association intervient, notamment en leur procurant des visas pour qu’ils puissent venir en Israël et se convertir directement sur place. Nous envoyons aussi régulièrement des équipes en Inde pour leur enseigner l’hébreu", affirme Laura Ben-David.
L’intégration en Israël
En Israël, les Bnei Menashe qui sont environ 5 000 vivent principalement en Galilée, ils exercent essentiellement des professions dans le secteur social et médico-social en tant qu'infirmiers, hygiénistes dentaires ou encore assistantes sociales. "L’intégration est un immense challenge pour eux car ils n'ont pas la langue ni les codes du pays donc nous les accompagnons dans leurs premiers pas. En Galilée, nous avons tous les services déjà établis pour les Bnei Menashe, afin de les soutenir et faciliter leur insertion dans le monde du travail et dans la société en général. Ils continuent à pratiquer leurs traditions tout en s'acclimatant parfaitement à la vie israélienne, c’est un phénomène très intéressant. Ils apportent beaucoup à la société israélienne et sont très impliqués, ils ont tellement voulu cette alyah qu’une fois sur place, ils se donnent les moyens de réussir", raconte Laura Ben-David.
Les Bnei Menashe sont également très impliqués dans Tsahal et s’enrôlent en nombre. Servir leur pays est non seulement un devoir mais aussi une grande fierté. La plupart du temps, ils ont dépassé l’âge requis lorsqu’ils arrivent en Israël (20 ans pour les hommes et 21 pour les femmes), mais ils sont très déterminés à rejoindre les rangs de Tsahal et font tout pour être acceptés même à 24 ou 26 ans.
Plus tôt ce mois-ci, le premier Bnei Menashe est tombé au combat dans la bande de Gaza. Le sergent chef Gary Lalhruaikima Zolat, 21 ans, originaire d’Afula laisse derrière lui ses parents et trois frères et sœurs. Ses deux sœurs aînées servent également dans l'armée israélienne.
Les Bnei Menashe, au coeur du danger en Inde
En mai 2023, les Bnei Menashe ont été pris pour cibles dans les zones de conflits ethniques notamment dans la région du Manipur en Inde. L’association Shavei les a aidés, les a protégés et leur a offert de la nourriture. Selon Shavei Israel, plus de 1 000 membres de la communauté, soit 20 % du total, ont été déplacés et l'un d'entre eux a été tué. Deux synagogues et des mikvaot (bains rituels), ont été incendiés.
Une fois installés en Israël, très peu de Bnei Menashe retournent en Inde, ne serait-ce que pour des visites, notamment en raison du coût élevé du voyage.
"En général, ils ont tiré un trait sur leur vie passée en Inde et ouvrent un nouveau chapitre en Israël, c’est très différent des alyah de France ou des Etats-Unis. C’est une alyah beaucoup plus spirituelle et significative, un véritable retour aux sources", a conclu Laura Ben-David.
Caroline Haïat
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