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Le quotidien d’un soldat à Gaza dans "Mispar Ichi, 7.10.23", d’Elkana Cohen

Photo du rédacteur: Caroline HaïatCaroline Haïat

Elkana Cohen
Elkana Cohen

100 jours à combattre le Hamas dans la bande de Gaza. 100 jours à écrire chaque soir sur des cahiers les moindres détails de ce que vit un soldat israélien sur le terrain. Dans son livre Mispar Ichi 7.10.23, rédigé sous la forme d’un journal intime, Elkana Cohen dévoile au monde la réalité du quotidien de Tsahal dans l’enfer de Gaza. Marqué par les atrocités de la guerre, Elkana ne laisse pourtant rien transparaître. Il est très souriant, parle de manière calme et posée. C’est avec beaucoup d’assurance qu’il se remémore les moments passés à Gaza avec son unité et lit des passages de son livre pendant l’interview pour appuyer ses propos. Elkana avoue n’avoir jamais été brillant en cours, il rendait d’ailleurs ses copies d’examens blanches; son livre, qui connaît aujourd’hui un franc succès est une véritable revanche sur la vie et lui permet de révéler son expérience à Gaza, mais surtout "l’histoire du peuple juif dans son ensemble", dit-il.


Elkana Cohen, 27 ans, est l’aîné d’une fratrie de sept enfants et originaire de Yeruham dans le sud du pays. Aujourd’hui, il habite à Raanana avec sa femme Shiran, qu’il a rencontrée à l’armée pendant leur service. Avant la guerre, Elkana avait monté une salle de sport pour enfants et adolescents à Raanana qu’il a ensuite été contraint de fermer. Il est actuellement étudiant en immobilier et officier commando dans la réserve. Elkana a débuté son service dans l’unité Shaldag, puis il a rejoint l’unité d'élite Duvdevan, en tant que commandant.


En général, pendant ses périodes de réserve, Elkana n’est pas combattant, il travaille comme responsable de projets dans le commando Duvdevan, mais le 7 octobre, les choses ont pris une tournure différente : Elkana a été enrôlé pour près de quatre mois dans la bande de Gaza.


"Le 7 octobre, Shiran m’a réveillé vers 5h30, elle avait fait un cauchemar où des centaines de terroristes nous poursuivaient; je l’ai rassurée et lui ai dit de ne pas s’inquiéter, puis nous nous sommes rendormis avant d’être réveillés en sursaut une heure après par les sirènes. Nous dormions chez mes beaux-parents cette nuit-là, à 15 minutes à pied de la maison", se souvient Elkana.


"J’ai vite compris que la situation était anormale, je suis rentré chez nous et j’ai allumé mon téléphone exceptionnellement pour appeler mes commandants et ils m’ont dit de me préparer à rejoindre la base. J’ai ensuite reçu un appel d’un ami de la même unité, et il m’a averti que Shiran devait elle aussi se mobiliser; j’ai fait nos sacs à la hâte et nous avons pris la route. Nous ne savions pas vraiment ce qui nous attendait, nous avions des craintes mélangées à un sentiment de grande fierté de pouvoir servir et protéger notre pays, et de surcroît ensemble", raconte Elkana.


Elkana a combattu sous les ordres de la 551e brigade, la première unité à être entrée dans la bande de Gaza. Loin de sa bien-aimée Shiran pendant plusieurs jours, Elkana n’a aucun moyen de la contacter. L’un de ses amis lui suggère alors de lui écrire une lettre, qui symbolise la naissance de l’ouvrage du jeune homme. Elkana a un déclic, le projet du livre émerge doucement dans sa tête.


Mispar Ichi
Mispar Ichi

Le même jour, Elkana s’est aussi souvenu de l’histoire de son grand-père qui a fait la guerre des Six Jours. Sa grand- mère lui avait confié une caméra pour qu’il filme les combats et rapporte des preuves au reste du monde. A Gaza, Elkana a suivi les pas de son grand-père et a pris sa mission très à cœur : documenter la guerre à tout prix, par le biais de l’écriture.


"Quand j’ai écrit la lettre à Shiran, je me suis rendu compte que nous vivions des expériences incroyables et que nous étions témoins de choses inouïes que le monde entier devait connaître et non uniquement les soldats sur le terrain. Je voulais décrire tout ce qui m’arrivait sur place. J’ai décidé qu’à partir de ce jour-là j’écrirai tout ce que nous allions vivre à Gaza : les sentiments, les ressentis, les combats, les expériences, les moments durs, les moments du quotidien et les moments joyeux. Chaque nuit, je dormais trois heures de moins que les autres pour pouvoir écrire, je devais absolument coucher sur le papier tout ce qui se passait à Gaza. C’était vital", explique Elkana.


L’écriture comme exutoire: la routine de guerre


Elkana a commencé à rédiger un journal quotidien daté, sur un cahier trouvé dans une épicerie abandonnée à Gaza. Avec une écriture sincère, précise et fluide, à la première personne, il présente l'histoire de la guerre du point de vue des héros qui la font. Il n’analyse rien, son texte brut reflète la vie d’un soldat à l’intérieur de Gaza qui se bat pour l’existence de son pays, contre la barbarie. Pour préserver ses écrits, Elkana a conservé son cahier dans des sacs plastiques pour qu’il ne s'abîme pas. Lors de sa première permission de sortie, il a ramené son précieux cahier en Israël et a emmené avec lui à Gaza de nouveaux cahiers, pour continuer à écrire.


L'unité d'Elkana à Gaza
L'unité d'Elkana à Gaza

"Pendant les temps libres, je lisais des passages à mes camarades de l’unité, et ils m’ont immédiatement conseillé de publier un livre à partir de ce journal. L’écriture est devenue une sorte de thérapie, c’était un moment où je me retrouvais seul, qui me donnait de la force car je sentais que j’allais contribuer à quelque chose de grand, en faveur de l’histoire d’Israël et du peuple juif, en transmettant notre aventure", raconte Elkana.


Quand le livre est sorti en février dernier, en hébreu et en anglais, des familles endeuillées et des familles de combattants ont contacté Elkana pour le remercier et lui exprimer leur reconnaissance : grâce à lui, elles ont pu comprendre ce qu’endurent réellement les militaires. "Mon but était que le lecteur se mette dans la peau d’un soldat et s’identifie aisément à ce que nous pouvons vivre sur place", affirme Elkana.


Les civils comme boucliers du Hamas


Pour lutter contre le fait que le monde entier accuse Tsahal de "commettre un génocide à Gaza", Elkana a pris soin de décrire à quel point l’armée israélienne est morale et fait son maximum pour protéger toute vie humaine, quelle qu’elle soit. Dans certains passages, il pointe du doigt la cruauté du Hamas qui utilise les civils comme boucliers humains, et met les soldats dans des situations complexes.


"Un jour, nous devions neutraliser une école à Gaza remplie d’explosifs, mais beaucoup de civils s’y trouvaient. Nous les avons exhortés à quitter les lieux mais ils n’ont pas voulu, nous ne comprenions pas pourquoi. Nous avons donc utilisé un drone, et nous avons vu qu’il y avait des gardes du Hamas qui les empêchaient de s’enfuir. Un enfant de 5 ans a couru et a été abattu d’une balle dans la tête par un terroriste devant sa mère. A ce moment-là, nous avons compris l’importance d’éliminer les terroristes pour permettre aux civils de s’enfuir", raconte Elkana, très ému.


Gaza
Gaza

"Une autre fois, les gardes du Hamas sont montés sur le toit d’un immeuble avec un bébé dans les bras et un photographe derrière eux, qui attendait qu’on tire sur eux pour faire ensuite de la propagande. Évidemment nous n’avons pas tiré, nous n'avons pas les mêmes valeurs qu’eux, nous sommes entrés dans Gaza pour protéger notre peuple et s’assurer que le 7 octobre ne se reproduise pas, et non pour tuer les civils et les gens qui n’ont rien à voir avec la guerre. Nous avons choisi de nous mettre en danger pour sauver la vie de ce bébé car nous savions qu’ils pouvaient nous tirer dessus. C’est très important de montrer ce à quoi nous devons faire face sur le terrain : le Hamas se cache derrière la population et complique la tâche de Tsahal", déplore Elkana.


Le jeune homme a dédié les 262 pages de son livre à 26 de ses amis tombés au combat. Elkana a perdu beaucoup de proches le 7 octobre et tous les jours qui ont suivi, mais il refuse de plonger dans la tristesse et le désarroi. Il a surmonté ses traumatismes et se bat pour aller de l’avant.


"Je veux véhiculer le message que tout ira bien, il faut croire en nous. J’ai d’ailleurs fini le livre sur cette phrase, qui été notre sentiment en sortant de Gaza", dit-il, en lisant à voix haute : "telle est désormais notre nouvelle mission, une mission que chacun ressent au plus profond de lui, celle de l’unité du peuple".


Elkana Cohen à Gaza
Elkana Cohen à Gaza

Après être sorti de Gaza et avoir effectué plusieurs périodes de réserve dont certaines à la frontière libanaise, Elkana est persuadé que la mission la plus importante pour les Juifs est de rester loin des divisions. "A Gaza, nous avons combattu l’ennemi, ensemble, avec des soldats de tous horizons, de gauche, de droite, des religieux, des laïcs et des Arabes, nous devons donc montrer que dans la vie civile, notre peuple est capable de rester uni", déclare-t-il.


Elkana travaille actuellement sur la version française du livre qui sortira prochainement. Ayant conscience de l’antisémitisme grandissant en France, Elkana veut diffuser au maximum la vérité concernant les activités de Tsahal afin de mettre un terme à la désinformation.


Mispar Ichi
Mispar Ichi

Des photos de guerre au centre Rabin


Elkana a également pris part à une exposition au centre Rabin à Tel-Aviv, où il dévoile 11 photos qu’il a prises pendant la guerre à Gaza, ainsi que des vidéos. Il donne aussi des conférences sur la guerre dans le monde, en anglais et en hébreu.


"Netanyahou a parlé de mon livre à la télévision et en a cité des passages, cela montre la portée de cette histoire qui est la nôtre. J’espère que ce livre servira de document historique pour les générations à venir afin de ne jamais oublier la guerre que nous avons vécue pour la survie de l’Etat d’Israël", a conclu Elkana.


Les livres en anglais et en hébreu sont en vente sur son site et sur Amazon, ainsi que dans les librairies.



Caroline Haïat



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