Perpétuer la mémoire des disparus à travers leur écriture manuscrite, digitalisée. L’initiative israélienne Ot Hayim, montée par des bénévoles quelques semaines après le 7 octobre 2023, utilise l’écriture des soldats tombés au combat et des victimes du terrorisme pour réaliser un fichier digital à l'image du défunt. Pour les familles endeuillées, ce projet est symbole d’espoir et permet de laisser une trace digitale de la personne disparue, à jamais. Une fois réalisé, le fichier qui comporte des photos, des textes et l’écriture de la victime peut être téléchargé et imprimé puis encadré. Grâce à Ot Hayim, quelque chose de la personnalité et du caractère unique de ceux qui sont tombés est ainsi immortalisé. Itonnews a interviewé Yael Masika Maimon, éducatrice, développeuse de contenu pédagogique, et responsable de la coordination avec les familles endeuillées chez Ot Hayim. Découverte d’un projet fascinant qui apporte du baume au coeur aux proches des disparus.
"La copine de ma fille et son petit ami ont été tués à Kfar Aza le 7 octobre", raconte Yael très émue. "Très vite, nous avons décidé d’utiliser son écriture, car c’était l’une des seules choses qui restait d’elle. J’ai contacté Leah Marmorstein Yarchi, qui est aujourd'hui la directrice de Ot Hayim et je lui ai demandé d’utiliser cette écriture pour préparer une plaque avec des textes afin de réconforter sa bande d'amis dévastés. C’est ainsi qu’est née l’initiative. Leah a adoré cette idée et elle m’a immédiatement dit qu’il fallait monter un vrai projet autour de l’écriture des soldats tombés à Gaza, dans le Nord et plus largement des victimes du terrorisme. Trente minutes après, nous nous mettions d'accord sur le nom de l'initiative: Ot Hayim, qui signifie en hébreu les lettres de la vie", a déclaré Yael.
"En une heure, nous avons constitué une équipe de volontaires qui font les designs seuls avec beaucoup de dévouement et de professionnalisme. Il s'agit de personnes très diverses, de tous bords politiques et tendances religieuses. Certains travaillent même de l’étranger pour rendre cette magie possible", poursuit-elle.
Les designs sont publiés sur le site de Ot Hayim et sur les réseaux sociaux. La plupart des familles contactent Yael après avoir entendu parler de l’initiative par le bouche à oreille, ou sur internet. Yael s'entretient par téléphone avec les familles endeuillées qui font une demande et doivent ensuite remplir un formulaire avec de nombreuses informations concernant la victime.
"Je leur explique comment photographier l’écriture de la personne, afin que le graphiste puisse réaliser le meilleur rendu. Les proches nous racontent également quel genre de personne c’était, ils nous renseignent sur l’entourage, les amis, les passions et les chansons qu’elle aimait afin de dresser un portrait complet. Ils téléchargent ensuite son écriture, et joignent des photos au formulaire. Ils reçoivent en général le fichier digital plusieurs mois après. C’est un travail très éprouvant pour les bénévoles qui s’attachent aux personnes décédées et rentrent en quelque sorte dans leur intimité sans les avoir connues. Ils le font de manière remarquable et donnent toute leur âme pour apporter un peu de bonheur et de réconfort à ceux qui traversent le pire : la perte d’un proche", raconte Yael.
Rendre immortelle la singularité de chacun
Yael affirme que lorsque l’occasion se présente, les équipes rencontrent les familles en personne, c’est très important afin de bien cerner la personnalité de la victime et de concevoir un design le plus authentique possible. Les polices se présentent sous forme de lettre comme si la personne avait écrit directement à sa famille. Elles sont réalisées à partir de logiciels de pointe.
"Chacun représente une histoire et un monde à lui seul, et nous ne devons pas oublier ne serait-ce qu'un instant, ceux qui ont été cruellement assassinés. Les gens sont très émus et impressionnés par le rendu car cela donne un côté immortel à ceux qui sont partis trop tôt. Pour les familles, c’est une manière de perpétuer la mémoire de leur être cher, qui vit à leur côté à travers l’écriture", raconte Yael.
Pour Yael, l’histoire la plus touchante a été celle de la copine de sa fille, assassinée avec son petit ami le 7 octobre. Ils devaient se fiancer trois jours plus tard, le 10 octobre. La bague a été retrouvée dans les décombres de leur maison ravagée par les terroristes du Hamas. "Originaire de Netanya, elle avait déménagé six mois plus tôt avec son petit ami à Kfar Aza. Le soir de Simhat Torah, elle était chez ses parents à Netanya mais elle a voulu rentrer après le dîner, pour pouvoir réviser tranquillement ses examens chez elle, sans savoir qu’elle trouverait la mort tragiquement le lendemain", déplore Yael, en pleurs.
Au total, Ot Yayim a réalisé 43 designs de soldats ou victimes du terrorisme et a pour objectif de dépasser les 50 dans un avenir proche. Lorsque plus de 50 auront été faits, ils organiseront une conférence avec toutes les familles endeuillées pour présenter les travaux, ainsi qu’une exposition, qui sera ouverte au public.
Pour consulter le site de Ot Hayim : https://www.ot-hayim.co.il/en/
Caroline Haïat
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