Rescapé de Nova, il ouvre un restaurant druze casher en plein Manhattan
- Caroline Haïat
- 28 avr.
- 2 min de lecture

C'est dans l'une des rues les plus animées du Garment District de Manhattan, que Raif Rashed, rescapé des massacres du 7 octobre en Israël a ouvert Taboonia: un restaurant druze casher. Au menu, manakish, pita druze fine, salades de concombres et tomates ou encore bourekas revisités à la mode new-yorkaise. Les mets atypiques attirent une clientèle résolue à délaisser la junk food américaine pour une cuisine venue d'ailleurs. Taboonia n'est pas un simple restaurant, l'enseigne abrite une histoire de résilience et représente un carrefour gastronomique à la croisée des cultures.
Ingénieur de formation, Raif, 40 ans est originaire d’Usfiya, un village druze niché sur le mont Carmel, au nord d’Israël. En 2019, il s’installe à Hackensack, dans le New Jersey, pour travailler dans une entreprise manufacturière israélienne, mais sa vie bascule en octobre 2023.
Alors en visite chez sa famille en Israël, Raif décide de prolonger son séjour afin d'aider son frère, Radda, à gérer un stand culinaire, également nommé Taboonia, au Festival Nova à la frontière de Gaza. Ce festival, qui était à l'origine une célébration de la musique et de la vie, deviendra tragiquement le théâtre d’un des pires massacres terroristes de l’histoire d’Israël.
Lors de l'attaque, Raif se refugie derrière la voiture de son ami Erick Peretz, présent avec sa fille Ruth, 16 ans, atteinte de paralysie cérébrale. Il les voit fuir vers une ambulance, avant que des membres du Hamas n’y mettent le feu. Les corps calcinés d’Erick et Ruth seront retrouvés douze jours plus tard. Raif reste alors bloqué en Israël pendant plusieurs mois, sans passeport, volé dans le chaos. Traumatisé, il revient aux États-Unis métamorphosé. Il quitte son poste d’ingénieur et se tourne vers la cuisine comme voie salvatrice.

Ce retour à la cuisine de son enfance et cette profonde connexion à ses racines le poussent à ouvrir un stand Taboonia au New Meadowlands Market et au Grand Bazar de Manhattan. Le succès est fulgurant. C’est à ce moment qu’il fait la rencontre de Ray Radwan, un autre Druze né dans le New Jersey, issu d’une famille libanaise. Restaurateur expérimenté, Ray propose à Raif de s’associer pour créer une véritable enseigne.
En novembre 2024, Ray et Raif entreprennent les travaux de Taboonia, qui deviendra rapidement un espace chaleureux d'une douzaine de places où l'esprit de partage et l'union sont la règle d'or. Chez Taboonia, on parle arabe, hébreu, anglais et personne ne se juge.
Ayant obtenu la Teouda, le certificat de cacherout, Raif peut continuer à servir sa clientèle juive tout en restant ouvert le Chabbat, une rareté permise par le fait que l’établissement n’est pas détenu par un Juif.
Le seul autre restaurant druze de la ville, Gazala’s, avait été la cible de vandalisme en 2024, mais a reçu un soutien massif de la communauté juive. Taboonia marche aujourd’hui sur les traces de cette fraternité inattendue. Une vidéo virale de l’actrice et militante pro-israélienne Noa Tishby, mettant en lumière le parcours de Raif, a notamment renforcé la visibilité du restaurant.
Taboonia constitue ainsi un lieu de mémoire, de dialogue et de reconstruction. Un espace où les blessures du passé ont laissé place aux espoirs naissant d'une solidarité et d'une coexistence, tout du moins le temps d'un repas.
Caroline Haïat
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