Portrait d'Orah : raviver le henné juif, entre culture et spiritualité
- Caroline Haïat
- 17 mars
- 3 min de lecture

Le henné, utilisé depuis des milliers d'années dans de nombreuses civilisations du monde, fait partie intégrante des cultures juive et arabe. Il est en effet bien plus qu'un simple art décoratif. Pour certains, c'est une pratique spirituelle, un rituel de connexion avec la nature, et une manière de célébrer les moments marquants de la vie. Nous avons interviewé Orah, jeune artiste juive américaine originaire de l’Oregon, passionnée par l’art du henné, qui nous a raconté sa "révélation" pour cette plante si particulière. Orah explore les traditions du henné dans le monde juif, notamment parmi les communautés juives yéménites et marocaines, et souhaite raviver cet art, notamment en Israël.
Orah travaille depuis plusieurs années dans la High-Tech. Il y a deux ans, elle fait une rencontre qui va bouleverser sa vie. Elle se plonge alors dans l’univers du henné grâce à l’artiste Medina Trevathan, qui devient rapidement son mentor. Bien qu’Orah ait d’abord hésité à se lancer dans cette pratique, elle a finalement trouvé une profonde connexion spirituelle avec le henné. Cela l’a poussée à étudier en profondeur les traditions du henné dans les communautés juives, où elle a découvert une pratique à la fois vivante et ancienne.

"J’ai réalisé que la plante qui donne le henné est un enseignant vraiment puissant, et j'ai commencé à étudier à quoi ressemblaient les traditions du henné dans le monde juif et je me suis rendu compte que non seulement elles sont encore très présentes, mais elles sont perpétuées par le peuple juif depuis des milliers d'années. En général, je dessine d'abord un motif sur du papier, je m'inspire des œuvres d'art juives à travers le temps et notamment de la Torah. Puis, je réalise les motifs sur les mains ou les pieds", raconte Orah.
A l’époque, le henné était une façon de s'assimiler avec les voisins parce qu'ils pouvaient le partager. Pendant le Ramadan par exemple, les Juifs qui vivaient dans les pays arabes n'utilisaient pas de henné, pour ne pas se faire remarquer parce qu'il est peu conseillé pendant le mois saint du calendrier musulman.
Une pratique ancrée dans la tradition juive
Les Juifs yéménites, connus pour avoir préservé de nombreuses traditions culturelles et religieuses, utilisent le henné comme véritable bijou de peau, mais aussi pour ses significations spirituelles et mystiques. Les motifs de henné chez les Juifs sont souvent géométriques avec des cercles, points, rayures et triangles – plutôt que floraux, comme on peut les trouver dans d'autres cultures, en Inde par exemple ou dans le monde musulman.
"Quand les Juifs yéménites ont immigré en Israël. Ils étaient en quelque sorte les seuls à avoir conservé la majorité des traditions de henné vivantes, cela leur a demandé des efforts car ils devaient dans un même temps s’intégrer tout en conservant leur culture; le processus d’assimilation a été très difficile pour eux", affirme Orah.

L'artiste explique que les motifs de henné dans la tradition juive sont uniques, notamment dans des régions comme la Libye ou la Tunisie, où l'art du henné était parfois utilisé avec des techniques spécifiques, comme l'enroulement de fil autour de la peau pour créer des marques par la résistance.
Orah organise chez elle des soirées henné pour les femmes afin de les encourager à explorer cette culture conviviale et se reconnecter avec cette tradition ancestrale.
"L’an dernier à Rosh Hachana, environ 15 femmes se sont réunies chez moi. Je leur ai appris les bases et l’histoire du henné, puis nous avons peint les unes sur les autres. C'était une vraie expérience humaine. J’essaie de raviver la tradition des Juives kurdes où les femmes et leurs filles se rassemblaient et s'offraient des friandises, puis elles allaient au mikvé et repartaient chez elles avec du henné", déclare Orah.

Une plante liée énergétiquement à la nature
En plus de son aspect esthétique et spirituel, Orah rappelle que le henné provient d'une plante, qui, selon la tradition, est liée à l’énergie de la nature. Le processus chimique par lequel le henné tache la peau repose sur l’attraction de la chaleur corporelle, un phénomène qui, selon l’artiste, symbolise une interaction spirituelle avec la plante. Le mot hébreu pour henné, "kofer", partage la même racine que "kappara" (réconciliation), ce qui souligne l'idée que le henné offre une forme de protection spirituelle et de purification. Le henné, selon elle, permet d'établir une relation avec Hachem (dieu), car chaque plante contient une "étincelle" divine.
Très prochainement, Orah aimerait se rendre pour la première fois en Israël et partir à la rencontre des Juifs yéménites avec un photographe, pour ensuite réaliser un album photo. Elle rêve aussi d'organiser sa propre exposition sur l’héritage du henné dans la culture juive, au musée d’Israël de Jérusalem.
Page Instagram d'Orah : https://www.instagram.com/orahsamba/
Caroline Haïat
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