Tel Aviv : Meir Appelfeld fait vibrer la lumière dans "Crépuscule"
- Caroline Haïat
- 11 mai
- 5 min de lecture

Perspectives, mises en abyme, touches de couleurs lumineuses, contrastes saisissants et une attention particulière aux détails du quotidien : les travaux du célèbre artiste israélien Meir Appelfeld font sensation à Tel Aviv. C’est dans une grande galerie du quartier Florentine, qui côtoie un jardin tropical où sont nichées toutes sortes d'œuvres, que l’exposition de Meir "Au crépuscule", a été inaugurée. L'artiste nous embarque dans un voyage inoubliable à travers ses peintures à l’huile qui plongent le spectateur dans son univers envoûtant. Natures mortes, intérieurs et paysages à couper le souffle sont représentés au moyen d’une technique qui ne laisse personne indifférent. Ses œuvres, véritables sources d'inspiration, donnent ainsi à chacun l’opportunité d’explorer son propre imaginaire.

"Cette exposition rassemble les travaux des deux dernières années. Je m’y suis longuement préparé, et cela m'a donné un véritable but à atteindre. Le peintre français George Braque, disait que le ‘thème c’est une excuse pour produire une œuvre’, voila pourquoi je ne travaille pas selon les thèmes. L'œuvre est en réalité beaucoup plus importante que son sujet. Le thème est une entrée en matière car il donne du sens, mais on ne peut pas s'arrêter à cela, l'œuvre doit passer par un processus de création, et doit acquérir son indépendance. Elle se sépare de l’artiste qui l'a créée pour pouvoir avoir du succès", explique Meir Appelfeld.

Le style d’Appelfeld frappe instantanément. La précision des détails et son approche unique du réel procurent au visiteur un sentiment de plénitude. Grâce à une technique basée sur des dessins réalisés en amont et des contrastes de couleurs, il s’inspire de son monde intérieur pour restituer la réalité qui l’entoure, à la perfection. Meir parvient ainsi à rendre des scènes banales tout à fait exceptionnelles.
"Je choisis toujours un point de départ, puis je me laisse porter. Au cours du processus de création, d’autres idées émergent : c’est une force incroyable qui mène à la découverte d'horizons que l’on n’avait pas prévus à l’avance", affirme Meir Appelfeld.

Des intérieurs inventés à la force du souvenir
Meir se concentre essentiellement sur quatre thèmes de choix : les natures mortes, les fleurs, les paysages et les intérieurs. Les natures mortes sont réalisées suite à de nombreuses heures d’observation tandis que les paysages sont peints après les promenades dans la nature de l'artiste où Meir prend des notes qu’il transforme ensuite en oeuvres d’art. Les intérieurs quant à eux, sont le pur fruit de son imagination, il ne s’agit jamais de lieux réels.
"Quand on parle d'imagination, ce n’est pas toujours clair. Il y a à la fois l’élément des souvenirs, mais aussi une grande part d’invention qui se base sur la mémoire et l’expérience. L’imagination est difficilement perceptible même pour le peintre lui-même, il essaie en réalité de mettre au jour quelque chose d’enfoui au plus profond de lui. C’est pour cette raison que le processus créatif est essentiel et propre à chaque artiste, c’est quelque chose de très personnel. Une clé qui rend visible aux yeux de tous, ce qui bouillonne dans l’être du peintre", déclare Meir Appelfeld.

Jeux de lumière et perspectives en trompe-l’oeil
Observer pour apprendre. Selon Meir, qui puise son inspiration dans les peintures qui ont été faites par ses prédécesseurs, "chaque support ou sorte de peinture a ses limites et ses points forts et il faut en prendre conscience". La peinture à l’huile est très versatile, et c’est pour cette raison que les peintres l’ont beaucoup aimée quand elle est sortie il y a 500 ans, car elle est plus imprévisible que la peinture tempéra, fondée sur une émulsion diluable à l’eau.
"Je superpose les couches en utilisant la technique de l'imprimature en mettant d'abord une couche très fine de peinture qui sert de base et donne la tonnalité. Quand on applique la couleur, on peut aller dans son sens ou contre elle. J’aime aussi dévoiler la lumière éteinte sur le canevas et la faire retomber sur les objets que je peints", dévoile Meir.
La perspective est maître mot chez Meir Appelfeld. Dans certaines de ses toiles, on retrouve le concept de la mise en abyme grâce aux miroirs, où les pièces donnent l’impression de s'emboîter les unes dans les autres comme les poupées russes. "C’est un excellent moyen d’exprimer l’illusion de la pièce qui continue, il faut faire attention à ce que le regard du spectateur ne plonge pas trop vite dans le fond de la pièce et n’atteigne immédiatement le point de fuite, où tout fusionne. Ce point imaginaire est destiné à aider le peintre à construire son oeuvre en perspective," raconte Meir.

Meir Appelfeld a nommé son exposition "Au crépuscule" qui représente un moment entre le jour et la nuit, mais aussi un temps mythique dans la Bible où des merveilles se sont produites. Il s’est aussi référé au processus de création qui apparaît entre les choses, entre l’imagination et la nature, entre l’art et l'artisanat.
"L’artisanat et l’art se disent de la même manière en hébreu. L’artisanat, c’est le corps et l’art c’est l'âme. Je pense qu’on ne peut pas définir une œuvre, c’est une chose insaisissable qui se trouve toujours dans un entre-deux. C’est également une sorte de langage comme la musique. Crépuscule définit donc l'œuvre en elle-même selon moi, c’est quelque chose de dialectique. L'œuvre dévoile ce qui est caché, et cela aide le spectateur à parvenir à sa construction personnelle", déclare Meir Appelfeld.
Un artiste enraciné dans la mémoire
Originaire de Jérusalem, Meir est le fils de l'écrivain renommé Aharon Appelfeld. Meir a grandi dans un environnement artistique et intellectuel. Il a étudié la musique, notamment le violon, au lycée de l'Académie de musique et de danse de Jérusalem. Après son service militaire, il s'est tourné vers les arts visuels et a poursuivi ses études à Londres, obtenant un BFA à la Byam Shaw School of Art (1987–1991) et un MFA à la Royal Academy Schools (1991–1994). Il a notamment illustré plusieurs ouvrages de son père, tels que Badenheim 1939, It is Yet High Day (2001) et A Table for One (2002). Son travail artistique explore des thèmes tels que la lumière, la mémoire et le paysage urbain, en particulier Jérusalem, où il réside et travaille actuellement. Ses œuvres ont été exposées dans de nombreuses galeries en Israël et à l'étranger, notamment à la Ben Uri Gallery à Londres, à la Rothschild Fine Art à Tel Aviv et à l'Art Space Gallery à Jérusalem, mais aussi en Italie.

Meir travaille déjà sur son futur projet qui comprend des œuvres grand format avec de nouveaux sujets dont des personnages, qu’il intégrera à ses intérieurs. Meir Appelfeld continue d'enrichir la scène artistique israélienne par son travail introspectif et sa capacité à évoquer des émotions universelles à travers des scènes locales.
L'exposition "Au crépuscule" est à découvrir au 2 rue Moshe Maor à Tel Aviv.
Caroline Haïat
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